Cette méthode permettait d’éviter de produire trop de copies du film, et donc de réduire les coûts. Notons qu’une copie était nécessairement réalisée pour vérifier la synchronisation du son et de l’image, avant de tirer le master en vue de la distribution[2]. C’est d’ailleurs cette deuxième copie qui est à la base des futures projections, comme l’explique Norman McLaren : « À moins que l’artiste ne désire procéder à des essais pour vérifier le mouvement, l’original ne doit jamais être projeté; seules les copies passent sur les écrans[3] ».
Pierre Hébert évoque une pratique similaire, reposant sur l’usage d’une visionneuse 16 mm : « Il n’est pas nécessaire que ce soit un appareil très perfectionné, motorisé, etc. Une petite visionneuse manuelle du modèle le plus courant est tout à fait suffisante. On garde cet appareil à côté de la table à dessin et, seconde après seconde, on vérifie le travail qu’on vient de faire. On peut s’en passer, mais cela rend le travail plus ardu[4] ». On le voit, Hébert ne préconise pas forcément l’usage d’une Moviola, appareil plus coûteux, au point même où l’on pourrait théoriquement se passer de toute machine de visionnage. C’est d’ailleurs également là l’intérêt, pour lui, de ce type de technique d’animation : « Du fait qu’on dessine directement sur le film, il est possible d’y voir directement le déroulement de l’action, son équilibre, son rythme, ses accentuations, cela simplement en prenant le film, tendu entre ses deux mains, et en considérant d’un seul coup d’œil plusieurs secondes de film. Ainsi, la continuité du film est matériellement accessible à l’animateur. Il est également possible d’inscrire directement les marques rythmiques et de saisir d’un coup d’œil leur position sur la bande de pellicule. Non seulement il est possible de voir directement sur la pellicule la succession des images, mais également de visionner sur le coup le résultat du travail, seconde après seconde, et d’évaluer le résultat. L’utilisation d’une simple visionneuse ou d’un projecteur permet ainsi d’avoir un feedback instantané. Cet avantage est certainement un des principaux atouts du travail sur pellicule[5] ».
McLaren et Hébert recourent ainsi à deux méthodes engageant des formes différentes, plus précises en termes de continuité pour l’une et volontairement fluctuantes pour l’autre, jouant sur la discontinuité partielle des images et le sautillement caractéristique de ces dernières.
[2] Voir Norman McLaren, « Voici Norman McLaren », Séquences, n° 7, décembre 1956, p. 38.
[3] Norman McLaren, Cinéma d’animation sans caméra, Montréal, Service d’information et de publicité de l’Office national du film – Canada, 1959, p. 8.
[4] Pierre Hébert, « Animer directement sur la pellicule », texte non publié, archives de l’ONF, 1979, p. 21.
[5] Ibid., p. 6-7.